Mi juillet 2010, j’avais mis en suspens le voyage et avais décidé de partager un poème de Kipling.

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et, sans dire un seul mot te remettre à rebâtir 
Ou perdre d’un seul coup le gain de cent parties 
Sans un geste et sans un soupir

Si tu peux être amant sans être fou d’amour 
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre 
et, te sentant haï, sans haïr à ton tour
Pourtant lutter et te défendre

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles Travesties
par des gueux pour exciter les sots 
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles 
Sans mentir toi-même d’un mot

Si tu peux rester digne en étant populaire
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois 
Et si tu peux aimer tous les amis en frères 
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur
Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître 
Penser, sans n’être qu’un penseur

Si tu peux être dur sans jamais être en rage
Si tupeux être brave et jamais imprudent
Si tu peux être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant

Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front
Si tu peux conserver ton courage et ta tête 
Quand tous les autres la perdront

Alors, les rois, les dieux, la chance et la victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les rois et la gloire
Tu seras un homme, mon fils. 

Rudyard Kipling